Christian Fumagalli

Peintre

Cet artiste est recommandé par le critique Gérard Xuriguera.

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Présentation de Christian Fumagalli

Biographie de Christian Fumagalli

Je suis né à Gray (Haute-Saône) le 8 décembre 1946. J’entre aux Beaux-Arts de Besançon (atelier Jean Ricardon) en 1961. Après deux ans d’interruption, j’obtiens le CAFAS en 1970 et le DNSEP, à Lyon, en 1972.

 

J’ai commencé par des études classiques: natures mortes, nus, portraits, puis: saynètes, paysages animés et œuvres à caractère métaphysique. 1975: 1re crucifixion accompagnée d’un petit cheval blanc. Peu à peu, le cheval a envahi    toute ma peinture presque au point d’en faire une œuvre à part entière.

Le travail de Christian Fumagalli

Dans ma peinture, le cheval n’est pas un cheval, c’est un pur élément pictural que je soumets, au gré de mon humeur et de ma fantaisie, à un jeu capricieux de construction/déconstruction/reconstruction. Je ne l’ai pas choisi: il s ‘est imposé   à moi lors d’une crucifixion et garde de ce fait une dimension christique quel que soit le traitement que je lui fais subir.

Il est travaillé avec un apport abstrait évident. Ce qui m’intéresse, c’est de créer des tensions, des oppositions, des correspondances, des harmoniques entre droites et courbes, entres volumes et plages neutres, entre géométrie et lyrisme gestuel, entre proches et lointains…

Mais c’est aussi un cheval et il me permet de créer un monde rêvé, qui n’a d’autre existence que celle du tableau; chaque tableau étant le fragment d’un récit dont on ne connait ni le début ni la fin, mais seulement ce qui se joue sur le tableau.

Le mot du Critique d’Art

Etre artiste, ce n’est pas inévitablement céder aux diktats de la théorie et aux artifices conceptuels, où s’égarent   nombre de jeunes artistes. Ce n’est pas non plus sous-évaluer les pouvoirs du réel et la pérennité des voies picturales, mais avant tout, suivre les chemins de son ressenti, avec le discernement de celui qui assume la route qu’il a élue, « le vent est favorable à celui qui sait où il va », disait Socrate.

L’œuvre de Christian Fumagalli répond à ces critères. Mais ce n’est pas la figure batailleuse d’un preux chevalier confronté à une hydre menaçante ou à un cobra courroucé, pas davantage qu’un paysage, une nature morte ou des images de constat, qui fondent l’essentiel de sa peinture, mais le thème récurrent du cheval. A ceci près qu’il ne  s’attache pas à sa fonction utilitaire, à son aptitude aux performances hippiques ou à sa charpente biologique stricto- sensu, mais à ses facultés d’incarnation.

Source d’inspiration, projet esthétique, idéal de beauté, le cheval est surtout pour lui prétexte à une transfiguration picturale qui impulse sa rêverie intérieure, dont il exploite à sa manière l’ensemble des potentialités visuelles, structurelles et emblématiques. Des potentialités nourries par les facettes de son imaginaire, auxquelles il s’identifie mentalement et charnellement, car l’art est principalement une projection.

Et ses équidés en mouvement constant, qui furent associés à l’effigie du Christ dans ses crucifixions dès 1975, toujours tenus dans un périmètre dilatoire et décalé – le rythme c’est le retard, selon Pablo Casals- apparaissent en déséquilibre ou analogiquement amplifiés, et sont devenus, depuis, l’axe autour duquel s’organisent les signes de sa perception, les codes de son langage, la marque de ses émotions.

Par conséquent jamais nié et continuellement réédifié, le cheval est certes le pivot de sa problématique, mais il s’accompagne d’un faisceau de mini-formes et de particules sous-tendues par des énergies cristallisatrices et des poussées du subconscient, qui nous font mieux pénétrer les strates souterraines du rendu, autrement formulé, l’idée du motif.

Ce travail intime d’élucidation du moi et du monde, son monde, réfléchit ce qu’il y a de commun entre lui-même et son thème d’élection.

Pour façonner son parcours, il s’appuie sur l’articulation d’une réalité instable et fissurée, émaillée d’éléments parcellaires et de touffes éparses, d’objets non identifiables et de réseaux linéaires, de lances acérées et de rubans virevoltants, qui montrent à quel point créer c’est transformer, et que chaque unité est ici une question de sens, où tout s’imbrique et se dénoue, s’enchaîne et se complète.

Doté d’un fort tempérament, urbain et disert, à la fois serein et inquiet, méthodique et enclin à l’analyse, Fumagalli ne pouvait que produire une grammaire picturale rigoureusement élaborée, à compter d’une formation tournée vers le simple nécessaire, et d’une connaissance étoffée de l’histoire de l’art, dont il a su tirer profit, en ne conservant que les connexions appariées à ses desseins.

On ne l’ignore pas, tout en demeurant tangible, la représentation nous entraîne toujours au-delà de l’apparence. Aussi, guidé par sa curiosité vitaliste, Christian n’hésite pas à se frayer des passages à la limite de l’onirisme, aussitôt compensés par un ordonnancement géométrique stabilisateur, tout comme affleurent chez lui, de temps à autre, des échos du Futurisme, à travers la multiplication dynamique des plans et des contre-plans, mais sans perturber les   assises de ses compositions.

Néanmoins, il n’oublie pas que l’espace est une notion temporelle, greffé d’écarts et  de  rapprochements,  de  proportions et de tensions, de rythmes et de cadences. Pourtant, dans ce chaos très surveillé, le référent ne se dilue   pas dans des digressions inopportunes, mais se prévaut d’une lecture intelligible.

Toutefois, dans ces parages, aucune image n’est intacte. Non qu’elle bascule du côté d’un expressionnisme déguisé, mais la forme y subit des dérèglements organiques nécessaires à sa viabilité. Pas vraiment démembrée ni déformée, mais fracturée, inversée, bousculée, elle garde sa cohérence et se voit généralement flanquée d’un astre solaire transhumant, nimbé d’étranges nuées vaporeuses, où se fait jour ce qu’il y a d’unique dans chaque fragment du vivant.

Maintenant, Fumagalli n’a pas tort de mentionner que sa peinture est dessinée. En effet, comment ne pas noter la trace noire du trait qui cisèle ses trames et en définit les contours avec une précision dosée, en marge du prêt-à-porter des formules graphiques coutumières? Comment, encore, ne pas y déceler une étonnante capacité  d’observation, au service d’une aisance décisive dans l’économie de l’approche technique?

Et, par ailleurs, en dépit des changements d’échelle et de l’enchevêtrement des plans, les lignes droites ou obliques, ondulatoires ou vrillées, disjointes ou tressées, ne sont pas là pour sceller des raccords ou des arrangements  favorables, mais pour conférer à la peinture tout son poids.

Enfin, nonobstant son omniprésence, une telle verve graphique n’altère en rien l’envol toujours maîtrisé du geste qui collige les contraintes, décline un agrégat de formes, se concentre ou s’évase, arrête un mouvement ou en accentue la course, s’étiole ou reprend de la consistance, cible un détail ou en isole un autre, se coule dans une frange gazeuse ou souligne une masse, ceci dans un va-et-vient permanent, plus enjoué que crispé, entre la règle et l’effusion, en exaltant la lumière par la couleur et la couleur par la lumière.

Foisonnante et austère, harmonieuse et contrastée, l’œuvre de Christian Fumagalli occupe une place à part au sein des figurations contemporaines. A l’écart des lois établies du réalisme, tonique et indépendante, elle n’en finit pas de   traquer, comme l’écrivait Valéry « la vérité dans le style et le style dans la vérité ».

Gérard Xuriguera

Critique d'Art