Caroline Guth

Peintre

Cette artiste est recommandée par le critique Jean-Philippe Domecq.

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Biographie de Caroline Guth

Née le 20 octobre 1975, au sein d’une famille d’artistes, Caroline Guth fut initiée très jeune au dessin et à la peinture par sa mère et son cousin couturier.  De façon plus indirecte mais pas moindre, elle subit l’influence de la peinture de son oncle artiste peintre dont les tableaux peuplaient les murs de la maison

familiale. Caroline Guth pratique régulièrement le portrait depuis l’âge de 9 ans et découvre, à la fin de l’adolescence, les maîtres de la Renaissance, notamment le Titien. Toutefois, l’influence la plus déterminante lui vient des Caravagistes dont elle ne cesse d’admirer l’esthétique violente, la mise en scène et les effets de clair-obscur exaltant les corps et procurant aux volumes une intensité singulière. Jeune adulte, Caroline Guth fut également très sensible à l’esthétique des peintres de la modernité viennoise tels que Schiele et Klimt, en particulier l’ambiguïté de l’érotisme féminin et l’exaltation de la féminité qui s’en dégage.

Bien que tout semblait la conduire à des études artistiques, elle renonça, devant sa perplexité à embrasser les dogmes de son époque, et préféra suivre des études de philosophie qu’elle acheva en 2002 avec l’obtention d’un DEA. Toutefois, elle n’oublia jamais son amour premier pour le dessin et la peinture. C’est en 2007, après une longue maturation, qu’elle décida de ne plus enseigner la philosophie et de se consacrer à la peinture.

 

Le travail de Caroline Guth

Le travail de Caroline Guth se nourrit en partie de son enfance marquée par une identité familiale complexe. Proche de sa grand-mère maternelle (descendante métisse d’esclaves martiniquais), elle fut très jeune sensibilisée aux drames de l’existence, à la mort, à l’injustice, au racisme, au déracinement, au sens problématique d’une identité métisse. Qui plus est, issue d’une famille dont les hommes furent absents, manquant donc de repères différenciants, elle s’interroge précocement sur le décalage entre l’être femme et le devenir femme ainsi que sur la signification de l’idée de féminité, la perception du corps féminin comme objet de désir, de plaisir esthétique et érotique, puis sur l’aliénation sous-jacente à cette condition de femme.

Le mot du Critique d’Art

Voici au moins un constat sur lequel tout le monde sera d’accord, d’emblée : la peinture de Caroline Guth est à part, très à part. Elle n’a rien de la nouveauté voulue, obligatoire, qu’attendent les a priori avancés de la recherche artistique et critique d’aujourd’hui. On ne sait comment la prendre ; elle surprend vraiment, tout en se présentant très simplement, directement, sans détours ni complications, et c’est là peut-être ce qui nous déloge.

Cette artiste se dévoile à elle-même un monde qui paraît venir d’on ne sait où, ni de quel temps. De quel temps ? On voit bien, devant ses toiles, qu’elle n’a pas tourné le dos à l’histoire de la peinture, dont elle a scruté manifestement, suavement certains maîtres et legs. Mais on voit tout autant, par l’impact que cette œuvre a sur nous, qu’elle ne pouvait être peinte qu’aujourd’hui, au point précis où nous en sommes de nos libertés d’expression, de mœurs, de notre connaissance des pulsions et aspirations humaines.

(…) Il faudra un jour parler (très sérieusement…) du culot en art. Au moins, Caroline Guth a le culot de se poser, par la peinture, des questions à la fois évidentes et souterraines, qui nous reviennent d’on ne sait où mais dont on reconnaît l’écho. C’est son terreau pulsionnel en même temps que réfléchi, et, de là, elle a bien le culot de peindre ouvertement la sensualité intérieure qui fait de nous des êtres de désir, et, dans les mêmes toiles, le regard philosophique qui nous fait dire : est-ce ainsi que nous vivons ? (…) Et pourquoi la peinture perdrait sa spécificité à miser l’interrogation philosophique, pourquoi ? Nous savons bien que nous ne pensons qu’au-delà de ce que nous pensions déjà, eh bien la peinture peut donner à penser au-delà des mots.

Penser ce qui nous échappe, et qui nous tire en avant dans cette existence. (…) Enigme du sens de la vie ou d’un corps qui n’en peut plus d’attirer, dans les deux cas qu’elle tient ensemble à chaque tableau, Caroline Guth parvient à faire passer ces deux pôles intérieurs de notre vie à l’extérieur par la représentation figurative. Celle-ci est certes savamment architecturée et conjoint le velouté charnel avec la stridence du trait abstrait, mais c’est ainsi que cette peinture est débordée par l’inconscient autant que par l’énigme existentielle de ce que nous faisons ensemble et seuls depuis la naissance.

(extraits d’un ouvrage en cours : Un monde à part )

Jean-Philippe Domecq

Critique d'Art